L’aïkidô en France : quelques éléments d’une évolution démographique (première partie)

Ce billet a déjà été publié dans Dragon magazine – spécial aïkidô n°16 : ma-aï l’espace temps.
Il sera ici publié en deux parties, corrigé de quelques coquilles et enrichi par quelques liens hypertextes.

Cet article est dédié à la mémoire de Pascal Norbelly (1961-2017), 6e dan Aïkikaï, qui fut mon professeur d’aïkidô.

S’il est – déjà – relativement difficile de rendre compte du paysage français de l’aïkidô en termes de diversité des approches et groupes, il s’avère encore plus difficile de procéder de manière rapide au recensement exhaustif des pratiquants. De fait, aucun groupe, que cela soit les fédérations agréées par l’Etat français ou tout autre groupe « indépendant », ne communique les chiffres le concernant. Ou plutôt, aucun groupe ne les communique dans un cadre autre que l’approche publicitaire. Cependant, il reste possible, par le biais des chiffres publiés par le ministère chargé des sports et fournis (à quelques exceptions ponctuelles près, cf. ci-après) par les fédérations sportives déléguées ou agréées, de se faire une idée globale de la place de la pratique « aïkidô » dans le cadre du sport français1, et de son évolution.

De quoi (ou de qui) parle-t-on ?

Toute communication et centralisation de données, comme celle sur laquelle se base cet article, doit être contextualisée. Ces données couvrant dans le meilleur des cas une période 2000-2015 sont donc basées sur les chiffres communiqués par la fédération française d’aïkidô, aïkibudô et affinitaires (FFAAA) d’une part, et la fédération française d’aïkidô et de budô (FFAB) d’autre part, sauf rares exceptions. Dans ce dernier cas, les données sont calculées par la Mission statistique du ministère chargé des sports, pour cause de non-réponse totale ou partielle. Les données sont présentées par année (de recensement), correspondant selon les fédérations à l’année évoquée ou à la saison se terminant l’année civile évoquée2.

Cependant, plusieurs biais doivent être gardés à l’esprit lorsque ces données sont évoquées. Le premier, et non le moindre, est que les statistiques ministérielles ne distinguent pas les différentes disciplines, courants, etc. au sein d’une même fédération. Les licenciés d’aïkibudô et de ki no michi (pour la FFAAA), d’aïki taïsô ou de kyudô (pour la FFAB) sont donc logiquement inclus dans le nombre de licenciés, et les « structures » ne proposant pas d’aïkidô dans le nombre de « clubs ». Cet article postule le fait que ces disciplines étant de fait minoritaires au sein des fédérations les abritant, les évolutions respectives du nombre de licenciés ou de clubs reflètent essentiellement celles de la pratique aïkidô. Un autre biais est que le nombre de licenciés est forcément supérieur au nombre de pratiquants effectifs au sein de ces entités, du simple fait (entre autres) de l’existence de licences dites « administratives » non distinguées dans les données produites.

Enfin, les deux fédérations françaises agréées par l’Etat constituent un ensemble largement majoritaire de pratiquants d’aïkidô, et sont donc représentatifs de la pratique3. La plupart des structures « hors fédérations »4 étant de plus issues de ces-mêmes fédérations (la FAT s’est séparée en 1984 de la FFAAA – groupe Nocquet, EPA/ISTA en 1993 de la FFAB, par exemple), il est également fort probable que les données démographiques les concernant soient relativement proches des groupes parents.

Situation actuelle

Dans un billet datant de septembre 2015 dans son blog Budo no nayami, Léo Tamaki faisait état, en se l’illustrant sur le nombre de recherches par Google sur le terme aïkidô, d’un désintérêt perceptible vis-à-vis de la discipline. Si l’analyse des données5 qu’il présentait abondait dans son sens, la question qui se posait était la suivante : ce désintérêt se traduit-il dans l’évolution des effectifs de l’aïkidô en France ? Et plus largement, comment s’y positionne la pratique de l’aïkidô ?

Voici un bref aperçu de la situation actuelle. Les dernières données disponibles (pour 2015, données au 4 juillet 2016) indiquent que les fédérations françaises d’aïkidô comptent 53336 licenciés6 au total : 27464 à la FFAAA, 25872 à la FFAB. Ces licenciés sont répartis, respectivement, au sein de 912 et 881 « clubs »7. 26,8 % des licenciés sont des femmes (respectivement 27,7 % à la FFAAA, 25,8 % à la FFAB), la moyenne sur l’ensemble des fédérations délégataires ou agréées considérées pour les « arts martiaux et disciplines de combat » 8 étant de 28,6 %.

 

Il est également intéressant de regarder la répartition en âge des pratiquants dans chacune des fédérations. Comme l’illustrent les graphiques proposés, deux « pics » de pratiquants existent pour les tranches d’âges 10-14 ans d’une part et 40-44 ans d’autre part, quel que soit le sexe des pratiquants. Ces pics se retrouvent (même si leurs intensités relatives sont très différentes) dans la répartition par âge des licenciés toutes fédérations délégataires/agréées en France confondues9. La répartition par âge dans les FFSCAM10 présente un profil assez similaire, mais avec un décalage du premier pic vers la classe 5 à 9 ans induit par le poids de la seule FFJDA.

Dans ce dernier grand ensemble, les fédérations françaises agréées d’aïkidô se placent (séparément) comme des petits groupes (2,4 % des licenciés « arts martiaux et disciplines de combat » pour la FFAAA, 2,3 % pour la FFAB), ne dépassant en nombre de licenciés que la FFL (1,6 %) et la récente FFAEMC (1,9 %). Pris dans leur ensemble, les licenciés de deux fédérations placeraient une hypothétique fédération unifiée au même niveau que la FFE (4,7 %) et juste derrière la FFTDA (4,8 %). Bien entendu, les effectifs de la FFJDA (49 %) et de la FFKDA (21,6 %) sont, et de très loin, bien plus importants. Une dernière considération sur 2015 peut être intéressante : le nombre de licenciés par club. Les deux fédérations d’aïkidô se classent dans les trois dernières places, avec pour la FFAAA un chiffre de 30,1 et pour la FFAB de 29,4 (dernière place). Seule la FFAEMC s’intercale entre elles, avec 29,5 licenciés par clubs. Le nombre moyen de pratiquants par club pour les FFSCAM (soit le nombre total de licenciés divisé par le nombre total de club) est de 64,7 et le nombre de pratiquants par club moyen (soit la moyenne des nombres de pratiquants par club des fédérations) est de 51,5.

Ces chiffres appuient a priori le constat de Léo Tamaki évoqué ci-dessus : les fédérations d’aïkidô, par rapport aux autres FFSCAM, n’apparaissent pas spécialement en « bonne santé démographique ». Cependant, il convient de compléter cette perception par d’autres considérations, en particulier sur l’évolution des populations concernées.

Sources et mentions

Les données utilisées dans cet article proviennent du site du Ministère des sports – rubrique statistiques. Les traitements des graphiques proposés (sauf illustrations de fonds) ont été produits par l’auteur.

Notes et références

1. Tel que vu par le ministère. Cet article n’est pas destiné à discuter de la qualification de l’aïkidô comme sport, activité culturelle ou autre.
2. Par exemple, le recensement 2015 correspond, selon l’organisation des fédérations, à l’année 2015, ou à la saison 2014-2015.
3. Du point de vue statistique.
4. Sous-entendu : agréées par l’Etat.
5. Disponibles sur simple requête dans Google trends.
6. Le groupe des licenciés de ces deux fédérations comprend le groupe des licenciés pour la discipline aîkidô. Ces chiffres sont donc des majorations absolues.
7. Attention, certaines structures sont comptabilisées par les deux fédérations agréées.
8. FF Boxe, FF Escrime, FF judo-jujitsu et disciplines associées (DA), FF Lutte, FF Taekwondo et DA, FFAAA, FFAB, FF Boxe française savate et DA, FF karaté et DA, FF Arts Energétiques et Martiaux Chinois, FF Kick-boxing, muay-thaï et DA. FFSCAM (sports de combat et arts martiaux) par la suite.
9. Même s’il existe des problèmes de doubles comptages qui favorisent les classes d’âge basses (sport scolaire/universitaire).

Suite de ce billet dans L’aïkidô en France : quelques éléments d’une évolution démographique (deuxième partie).

A propos G.

Pratiquant lambda.
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4 commentaires pour L’aïkidô en France : quelques éléments d’une évolution démographique (première partie)

  1. Loïc dit :

    Article très intéressant. J’avais moi-même commencé à récupérer ce type de données afin de me faire une idée justement après l’article de Léo. Dommage que les autres groupes d’Aïkido ne communique pas la dessus.

    J’attends la suite avec impatience 😉

  2. Ping : A lire en Juin 2017 – NicoBudo

  3. Ping : L’aïkido en perte de vitesse: au-delà des chiffres | Budo Musha Shugyo

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