Sur le bord du tatami – observer les autres

Sur les bords des tatamis, durant un entraînement, on rencontre deux catégories de personnes : celles qui attendent que la séance s’achève (pour récupérer leur enfant, souvent) et ceux pour qui monter sur le tatami n’est pas possible, momentanément ou pas.  Ces derniers sont là pour une chose bien particulière : profiter quand même d’un enseignement par ce que les Japonais appellent mitori geiko (見取り稽古), s’entraîner en observant.

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Photo de stage (Christian Tissier, 7 octobre 2017). Tous droits réservés. Au centre, Christian Tissier enseignant. Au deuxième plan, les stagiaires du jour (mitori geiko « de participants »), au troisième plan, dans les gradins (mitori geiko « de non participants »).

Pourquoi ?

On constatera aisément que l’observation est partie intégrale du processus d’apprentissage (en tout cas, chez l’Homme, processus mettant en jeu les fameux neurones « miroirs »). Une fois cette évidence rappelée, la deuxième évidence qui en découle est que, comme les autres disciplines, les arts martiaux ne font pas exception à ce procédé, et l’ont d’ailleurs bien intégré. En effet, même si les modes d’apprentissages divergent selon la discipline, intégrant ou non des exercices spécifiques, « traditionnel » ou non, le professeur démontre toujours ce qu’il souhaite enseigner. Aux élèves (actifs) de reproduire du mieux qu’ils peuvent ce que propose l’enseignant. C’est le mitori geiko principal (comme souligné par ailleurs), suivi immédiatement par une mise en pratique de ce que l’on croit avoir compris. Se « poser » près, mais en dehors, du tatami (ou de la surface de pratique) se fait assez couramment, si j’en crois mon expérience. Tous les élèves « éloignés » temporairement de la pratique ne sont ou ne se sentent pas concernés, mais il y en a toujours qui viendront. Si l’aspect social (appartenance au groupe) compte, bien entendu, le professeur et son cours restent le sujet essentiel de l’attention des observateurs (au-delà même des exigences de l’étiquette, bien souvent).

Le temps de l’observation

Être en retrait d’un cours ne présente pas que des désavantages (tant que ça reste temporaire).  Au contraire. Pour ma part, je vois plusieurs intérêts au rôle d’observateur extérieur. Le premier d’entre eux est bien de pouvoir observer sereinement, sans se préoccuper de ce qui a été fait (mal ou bien) dans la pratique qui a précédé ou dans celle qui suivra. Une chose en entraînant une autre, il sera peut être plus facile d’identifier le fil conducteur du cours (s’il existe), ce qui lie les différents moments proposés au sein d’une même thématique. Quelle que soit l’interaction existant dans le cours entre le professeur et les élèves (interaction dépendante de la discipline et bien sûr du professeur lui-même), ces derniers sont des acteurs du cours. Acteurs qui permettent également d’apprendre par l’observation. On sort alors du mode de l’exemple (le professeur démontre – l’exemple) pour celui des cobayes (essais-erreurs des élèves), de ce qui va marcher à ce qui va être compris, et le regard critique devrait permettre, théoriquement, de ne pas reproduire les « fautes » observées. Et d’alimenter sa propre pratique au final, voire, quand c’est le cas, ses propres enseignements.

Chercher l’inspiration

L’observation (« externe », sans être élève) faisant partie de la boîte à outils martiale, elle s’applique également à d’autres situations (la démonstration typiquement) ou d’autres supports, comme la vidéo. Elles constituent des occasions de « voler la technique«  (comme disaient les Japonais) assez nombreuses, parfois inspirantes, parfois désolantes. Encore que dans ce dernier cas, il s’agirait plutôt de devoir ignorer la technique. Comme pour un cours, on peut apprendre des démonstrations ou vidéos (et des vidéos de démonstration), à la condition de posséder quelques clés – et donc – de l’expérience, et ainsi bien filtrer ces vidéos. De nombreux paramètres entrent en jeu : les acteurs, la présentation et les objectifs en font partie… et donc aussi le spectateur, son expérience et ses objectifs propres. Cette dimension était et reste très largement prise en compte par les pratiquants de haut niveau (on retrouve facilement des anecdotes concernant Sokaku Takeda, Morihei Ueshiba, Tetsuzan Kuroda, etc.)

Mitori geiko doit donc être vu comme une composante essentielle de la pratique martiale, en appui d’une progression continue, ou même plus rarement comme un occasion de réorienter sa pratique en profondeur.

A propos G.

Pratiquant lambda.
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Un commentaire pour Sur le bord du tatami – observer les autres

  1. Ping : A lire en novembre 2017 – NicoBudo

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