
Impression pratiquante d’aikido (image générée par DALL-E).
En cette journée – et pour cette journée – du 8 mars, le curieux peut voir fleurir essentiellement sur les réseaux sociaux de la publicité pour l’aïkidô à destination des femmes. Cours, voire mois de cours d’essais gratuits, stages à destination des femmes, stages animés par des techniciennes, et on en passe, le public féminin a un large choix pour aborder la discipline. Profitons de l’occasion pour en parler un peu, puisque le moment s’y prête.
L’aikidô est un art martial. C’est une position qui peut apparaître comme dogmatique pour certains, puisqu’elle pose le contexte (disons, la confrontation a minima) de la pratique. Et donc ses objectifs premiers. On pourra ergoter sur la place du curseur sur le niveau de cette confrontation, bien entendu, mais elle reste là. Mais quel est le rapport avec la place de la femme dans la pratique de la discipline ? On y vient : le rapport est que, dans le cadre d’une publicité pour la discipline, et dans le but d’attirer un public particulier (les femmes ici), la communication choisie ne rend pas compte de la réalité de la pratique. Un peu comme si l’objectif était une vente ponctuelle et non une ouverture avec fidélisation d’un public. Un des seuls arguments de cette communication qui est peu contestable est que l’aïkidô est une discipline ouverte à toutes (et tous). Dans le sens où l’on peut débuter sans prérequis acquis dans d’autres disciplines. Et la discipline est – réellement – mixte, puisque les femmes peuvent y exprimer les mêmes qualités (et défauts) que les hommes avec qui elles pourront pratiquer. Jusque là, tout va bien.
Par contre, d’autres affirmations publicitaires ne sont pas vérifiées. Ainsi la phrase « Non compétitif, il permet à un large public de pratiquer une discipline martiale sans objectif de performance et de résultat. « (je cite ma collègue blogueuse d’Aikido millenials) est problématique à plusieurs titres. Je rappelle en vrac : il y a des branches de l’aïkidô dans lesquels un système institutionnel de compétition existe, et que l’objectif de performance et de résultat est intrinsèque à toute pratique (sportive ou non). Ne serait-ce que par la course à la « mythique » ceinture noire, bien connue en aïkidô et dans tous les arts martiaux qui en proposent. Mais plus largement (mais bascule-t-on vers un pan philosophique), est-ce que la pratique gratuite (sans le résultat s’entend) a un sens ? Et surtout, y a-t-il un endroit où cela est sérieusement envisagé ? Inversement, il y a une dimension très – et c’est dommage – sexiste à affirmer que l’aspect compétitif et d’objectif est un repoussoir pour les femmes : on voit à quel point cette affirmation tombe si l’on considère les pratiquantes expertes de la discipline, et plus largement les expertes et championnes de l’ensemble des champs disciplinaires connus de l’humanité. Sans parler des effectifs féminins d’autres fédérations d’arts martiaux et sports de combat. Autre (je re-cite ma collègue) : « Non violent, il séduit par sa capacité à pratiquer sans avoir recours à la force physique. » Faux également, mais là nous sommes dans un argument publicitaire qui n’est pas destiné qu’aux femmes. Quand à pratiquer sans « force physique » (je trouve l’expression malheureuse), il faut arriver à un certain niveau pour l’envisager. Au temps pour la notion de résultat vue plus haut. Ce positionnement « anti-violence » est également étrange, si l’on se réfère, encore une fois, aux effectifs d’autres fédérations (en particulier sur le pied-poing). Une autre idée reçue qui tombe.
Il est intéressant de noter que, malheureusement, la communication publicitaire pour les arts martiaux est souvent médiocre, voire pire quand il s’agit de communication à destination des femmes. Soyons clairs : il est douteux qu’une femme pousse la porte d’un dôjô (d’aïkidô ou non) en croyant sérieusement aux messages évoqués ci-dessus, et si c’est le cas, qu’elle y reste. Comme tout homme, d’ailleurs. C’est le défaut de ces messages, qui n’ont sans doute pour vocation que de se donner une bonne conscience sur la thématique « agissons pour les femmes ». Alors, que faire pour être réellement efficace pour cela ? Voici quelques pistes qu’il me semble déjà avoir évoquées :
- « raconter la discipline », en la rendant attractive : en expliquer l’histoire, expliquer pourquoi sa pratique est compatible avec la mixité (parce que les principes de base le permettent, tout simplement).
- inviter à la découverte, en permanence. Mais ce n’est pas uniquement à destination des femmes.
- mettre en avant les expertes, également, et – pour en rajouter – je dirais plutôt les jeunes expertes. A des fins simples d’émulation : « elles sont là, elles le font, c’est possible » vers les jeunes générations qui attireront à leur tour les générations suivantes. Comme pour les hommes, ceci dit. Mais il est nécessaire d’exiger le meilleur, et accepter – en raison de la démographie actuelle – une sursollicitation de ces expertes (et s’en donner les moyens). C’est un problème qui n’est pas spécifique à l’aïkidô.
- favoriser l’émulation en interne. Ce qui est différent de pousser/favoriser pour l’affichage, ce qui est toujours contre-productif à moyen terme (mais s’en soucie-t-on encore ?).
Rien d’exhaustif, en somme. Pour moi, être attractif en tant que discipline pour les femmes, c’est non pas proposer ce qu' »on » pense être stéréotypé (« la femme est douce » entraîne la « non violence », typiquement, et la « non-violence » forcément la « gymnastique douce », puisqu’en plus « il ne faut de force physique ») mais bien une réalité : l’aïkidô est technique, exigeant pour avoir des résultats, accessible si l’on s’en donne la peine (ce qui ne diffère pas du yoga, du triathlon ou du macramé). L’aïkidô n’est pas une discipline féminine, l’aïkidô est mixte et donc l’aïkidô est une discipline pour les femmes comme pour les hommes. « Il existe bien sur des différences liées au sexe, mais ce n’est qu’un paramètre parmi d’autres », comme le rappelle Hélène Doué. Parmi d’autres, c’est la clé.
Mesdames, l’aïkidô est un art martial qui est accessible, riche de sa technicité et de son histoire. Il vous permettra de mieux vous connaître et, au final, de connaître les autres (la fameuse convivialité dans les disciplines « de contact »). N’hésitez donc pas à pratiquer, il y a forcément un dôjô près de chez vous !