Kokyû-hô : le souffle et l’exercice

La notion de souffle est centrale dans les arts martiaux, comme dans toute autre activité physique. Le pratiquant devra acquérir une habitude (pour ne pas dire une maîtrise) de sa gestion : une mise en apnée involontaire lors de l’effort, une respiration totalement inadéquate avec l’effort produit (selon les exigences et niveaux) sont autant d’obstacles qu’il faudra surmonter. Cette exigence n’est bien sûr pas absente en aïkidô, et cette notion transparaît deux fois dans la nomenclature la plus répandue : on parlera ainsi de kokyû nage (呼吸 projection par le souffle) et de kokyû hô (呼吸法 méthode/exercice du souffle). Et on évoquera kokyû ryoku (force du souffle), pour lier le tout.

Le souffle…

La notion de souffle en aïkidô est essentiellement liée, de mon point de vue (et le reste du billet sera de mon point de vue), aux notions de transparence et de maximisation de l’efficacité. Si la dernière notion relève de la technique de corps « physique » – mais peut-on dissocier réellement ici technique et discipline ? – la première est plus martiale : l’adversaire ne doit pas percevoir le mouvement qui lui est opposé. Rien de plus simple, si ce vis-à-vis est aveugle, sourd et n’a aucun sens du toucher. Si ce n’est pas le cas… L’une des réponses de l’aïkidô – mais il n’en a pas l’exclusivité – est l’utilisation d’une coordination entre respiration et mouvement (ça, et d’autres choses, bien entendu) pour générer à la fois « transparence » et puissance, qui se traduit en pratique par l’utilisation de kokyu nage, c’est-à-dire une technique « naturellement » appliquée, s’inscrivant dans l’action. En pratique, souvent quelque chose ne rentrant pas dans la nomenclature habituelle. Mais au-delà de ces considérations, reste la question du « comment y parvenir ». En aïkidô, l’une des solutions proposées est l’exercice kokyû hô. Kokyû hô est souvent proposé en fin de cours, souvent comme un moyen d’étirer/assouplir le corps afin de clore l’entraînement.

L’exercice (à deux) est en général effectué de la manière suivante. A genoux face à face (en seiza), un des partenaires est saisi aux deux poignets (ryote dori), à charge pour lui (tori) de déséquilibrer son vis-à-vis (uke), souvent par un mouvement d’ouverture des bras puis de bascule sur un côté. Avec bien entendu une certain coopération des deux partenaires. Autant le dire, dans les premiers temps de pratique, l’exercice est souvent… compliqué. Voire détestable. Il s’agit simplement d’une lutte force contre force pour effectuer le déséquilibre, sans autre objet si ce n’est un vague étirement final. Autant aller directement à l’étirement. Cependant, si l’on passe au delà avec un peu d’expérience (et l’aide de professeurs attentifs), l’exercice peut devenir extrêmement intéressant. Parce qu’il existe plusieurs manières de l’aborder, en variant l’intensité de la saisie, par exemple, ou la résistance d’uke, ou la hauteur des partenaires l’un par rapport à l’autre… En bref, de modifier les angles d' »attaque », pour un travail sur les sensations, bien sûr, mais aussi – et surtout à mon sens – afin de prendre en compte et d’intégrer l’idée que la technique n’est pas une action sur une zone donnée du corps d’uke, mais sur la « structure » d’uke depuis celle de tori. A l’inverse, recevoir la technique est aussi intéressant, et pour les mêmes raisons.

Au-delà de la forme

Kokyu hô, immage issue d’une ancienne version du guide du débutant de la FFAAA.

C’est justement une forme d’exercice a priori statique qui pose des bases claires de travail, ce qui est parfois plus difficilement perçu/perceptible dans des formes plus dynamiques. Se « poser » en seiza permet de ne pas se soucier d’un déplacement, voire même du placement (là, cependant…), mais principalement d’une action : pourquoi tourner un poignet ? Quelle est la position d’un coude pour tel résultat ? Comment et pourquoi maintenir son « assiette » sans les jambes ? Les thématiques a explorer grâce à cet exercice sont nombreuses. Étant loin du haut niveau et donc de ce que peuvent produire des experts, j’essaie déjà – en tant que tori – déjà de profiter de l’exercice pour travailler à « sentir » la structure d’uke et à perturber son assise de la manière la plus neutre et fluide possible, quelle que soit la saisie proposée, et sans imposer de contrainte trop forte (même s’il est très tentant de le faire parfois). La variété des partenaires, en expérience et en gabarit, est dans ce travail une aide précieuse : il est parfois plus facile de « bouger » un imposant débutant qu’une dame fluette et bien plus vieille dans la pratique. Mais quels que puissent être ces partenaires, il reste des constantes : rester stable, avoir une respiration égale ou encore ne pas agir avec les mains seules.

Kokyu hô est l’un des exercices « de routine » les plus intéressants à pratiquer à mon sens, même s’il semble parfois limité. Pour aller plus, il permet parfois de faire le lien entre l’aïkidô et d’autres pratiques présentant des exercices similaires (comme l’Aunkaï de Minoru Akuzawa) dont les approches peuvent être des moyens d’en enrichir la compréhension.

 

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A propos G.

Pratiquant lambda.
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Un commentaire pour Kokyû-hô : le souffle et l’exercice

  1. Ping : A lire et à voir en novembre 2018 – NicoBudo

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