Présenter sa discipline, ça peut être dur (spécial aïkidô)

Une rapide réflexion sur la communication d’une discipline. Et un petit coucou à Rodolphe, avec toute mon amitié !

Kokyu nage.

Kokyu nage, projection par le souffle.

Une des choses les plus difficiles à faire quand on pratique l’aïkidô (mais pas seulement) est d’en parler à des non-pratiquants, que cela soit des néophytes complets dans les arts martiaux ou des pratiquants d’autres disciplines. Même si le problème est commun à tous les arts martiaux, sauf peut-être au jûdô (et encore), et qu’il est souvent difficile d’obtenir des renseignements fiables par des sources non spécialisées, l’aïkidô présente quelques éléments particuliers : il est protéiforme (les écoles et styles sont nombreux), prétend à « une » certaine philosophie (en raison de la personnalité particulière de son fondateur), et propose une pratique à mains nues et avec armes (donc « complète », et les guillemets sont de rigueur). Il ne présente pas, dans la majorité de ses déclinaisons, de formule de compétition. En gros. Et cela reste bien vague…

L’aïkidô, c’est f(l)ou, non ?

Si l’on se met dans une situation où l’on souhaite « vendre » sa discipline à des néophytes institutionnels (comités d’entreprise, par exemple, mairies, etc.), il convient de donner une image de celle-ci permettant de se faire une idée juste, ou du moins, le plus juste possible, et d’adapter celle-ci à l’interlocuteur (individuel ou institutionnel). Inutile (dans la plupart des cas) donc de développer des aspects techniques, politiques, ou organisationnels particuliers. Certains aspects technico-philosophiques peuvent être intéressants à évoquer, comme celui de l’aïki (合氣 ou 合気, en kanjis suivant le style d’écriture), l’« union des énergies ». Par contre, il est souhaitable de mettre en avant certains points « forts » pouvant être compris par l’interlocuteur (par exemple, la gestion du stress)… Pour faire simple : les débats de « spécialistes » sont à proscrire. Alors pourquoi ne pas aller jeter un œil sur ce qui peut se raconter et s’en inspirer ?

Si le propos n’est pas ici de dénigrer tel ou tel texte de présentation, il est a peu près clair – pour moi – que je ne présenterai pas l’aïkidô en prenant le début du texte de la FFAAA, qui indique que : « L’Aïkido est un art martial en forme de self-défense avec des techniques tellement particulières qu’elles permettent de préserver l’intégrité de l’adversaire ». Je n’utiliserai pas non plus le début de celui de la FFAB, qui parle d’abord plus d’un fond philosophico-religieux. Mais, dans le fond et de manière globale, ce ne sont pas forcément les pires, puisqu’ils fournissent une trame et beaucoup d’indications. Alors ? La solution est sans doute à chercher du côté de Wikipedia – du moins, pour l’amorce, et à condition de ne pas trop y coller.

Essayons !

Je formulerais donc ainsi, si j’avais un texte court à transmettre ou à publier, en reprenant certaines rédactions et éléments.

L’aïkidô (合気道 – voie de l’union des énergies) est un art martial japonais (budô), fondé par Morihei Ueshiba au milieu du XXe siècle. Il a été créé à partir de l’expérience que son fondateur avait de l’enseignement des koryû (écoles d’arts martiaux anciennes), essentiellement la pratique à mains nues de l’école Daitô ryû, du ken jutsu (art du sabre japonais) et des arts de la lance (sô jutsu) et de la baïonnette (juken jutsu). L’aïkidô est donc né de la rencontre entre ces techniques de combat et une réflexion métaphysique de Morihei Ueshiba sur le sens de la pratique martiale à l’ère moderne.

Il propose techniques à mains nues, avec une base de projections, immobilisations et clés articulaires, et avec armes (sabre, poignard, bâton) pour apprendre à utiliser la force de l’adversaire, ou plutôt son agressivité et sa volonté de nuire. Il ne s’agit alors plus de vaincre l’adversaire mais à réduire sa tentative d’agression à néant. En fait, dans l’esprit du pratiquant, dans l’idéal il n’y a pas de combat, puisque celui-ci se terminera au moment même où il commence.

Pratiquer l’aïkidô permet d’acquérir et de développer à la fois des qualités physiques (endurance, coordination, souplesse ou relâchement, par exemple), techniques et morales (persévérance, politesse, maîtrise de soi). Ses particularités comme système martial permettent d’envisager une pratique de toute une vie. Enfin, l’aïkidô constitue, pour ceux qui le souhaitent, une ouverture vers le Japon, sa culture, son histoire…

Explication de texte

J’ai essayé de faire concis, en proposant une contextualisation historique, un survol du contenu technique et enfin, une petite énumération de points positifs. Trois idées directrices, trois paragraphes. Pas de détails, comme les histoires de lignées (puisque, de toute manière, un néophyte n’y comprendra rien), de subtilités philosophiques et/ou techniques (ri-aï, awase, de-aï, ce genre de choses). J’ai aussi évacué l’image des samouraïs (la restauration de Meiji – fin du moyen-âge japonais – s’étant produite en 1868, pour faire simple), les histoires de grades et de hakama, et les liens réels ou supposés à tel ou tel  religion (shintoïsme et Ômoto kyô). Le tout faisant partie de la « galaxie aïkidô ». Il est aussi important de rester dans le réaliste : prétendre que les techniques sont singulières au point de préserver (systématiquement) l’intégrité du partenaire, exclure toute idée de compétition (par opposition au jûdô ou au karaté, ce qui n’est pas forcément exact), ou de faire appel à la notion de tradition (assez fourre-tout, au final), ne traduit ni vérité, ni dogme intangible.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Mise à jour légère le 12/09/2015.

A propos G.

Pratiquant lambda.
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6 commentaires pour Présenter sa discipline, ça peut être dur (spécial aïkidô)

  1. postmaster dit :

    Je ne suis pas sûr qu’il soit utile de mettre l’écriture japonaise du mot Aïkido dans ce texte. Les débutants auront tout le temps de la découvrir au fil de leur pratique. Quand à l’emploi du mot métaphysique,il me semble un peu maladroit dans le cadre d’une diffusion de masse. Pour le reste , ce texte semble parfaitement dans son sujet.

  2. Didi dit :

    Dabord je trouve que l’idée de développer cette réflexion est très intéressante. L’aïkido est en effet très complexe à définir, sachant qu’il contient tout. Perso, si je devais m’exprimer sur cet Art, je me dirigerais plus vers les principes de développement personnel que sur les principes de guerre.

    Loin de vouloir proposer un nouveau texte, n’étant pas un grand narrateur, mais voulant partager un peu mon experience avec ce sujet, voici ce que je dis aux néophytes qui me demande des renseignements sur l’aïkido:

    L’aïkido ne se voie pas il se pratique, c’est au travers de votre corps que vous allez comprendre ce que c’est. Il vous permettra de vous développer de l’intérieur. Vous pourrai apprendre qui vous êtes, vous remettre en question et apprendre à vous gérer. Très vites vous trouverai la force pour vous maîtriser, comprendre d’où vient votre stress, vos tensions. Acquérir souplesse, vitalité, tonus et vous sentir bien dans votre corps, en bref vous allez apprendre à habiter votre corps. Le faite même qu’il n’y a pas de compétition vous permettra d’évoluer à votre rythme…
    Il nous permet également de développer tout le domaine de la communication relationnel, respiration, zen attitude, méditation, etc…

    Voilà donc une petite partie de ce que je développe de mon côté, en espérant vous apporter une petite pierre à votre édifice afin de trouver des solutions au développement de ce très belle Art.

    Merci et félicitation a vous pour ce beau projet et bonne continuation.

    • G. dit :

      Merci à vous pour votre retour. En fait, si nous sommes toujours d’accord sur le fait que seule la pratique peut efficacement répondre à nos questions (bien plus qu’un texte), j’aurais – pour ma part – plutôt fait ce genre de communication à l’oral, à quelqu’un posant des questions. Mais encore une fois, ça reste un avis, parmi d’autres.
      Merci encore !

  3. Yrao dit :

    Pour ma part, je partage complètement le constat. Il est nécessaire de parler simplement de l’aïkido. Les points de blocage, c’est qu’à mon sens, nous n’arrivons pas à nous distancier suffisamment de la discipline y compris, comme tu le souhaites, lorsque tu essaies de sortir de la « Galaxie Aïkido ». Quand nous entrons sur le tatami, nous saluons le Kamiza (Morihiei Ueshiba), nous pratiquons en recherchant à appliquer certains principes parfois assez obscurs y compris pour des pratiquants de longue date. Nous en parlons finalement assez peu car « aïkido est expérience ». Alors quand nous nous y essayons, quand nous nous sentons autorisé à en parler, cela devient rapidement complexe et incompréhensible.

    Je suis d’accord avec « postmaster » dans le sens où les débutants auront tout le temps de découvrir ce qu’est réellement l’aïkido. La présentation et donc la promotion de l’aïkido doit donc susciter l’envie alors que nous sommes toujours dans l’explication, la description car la discipline est inconnue du grand public. Ne perdons pas de vue pourquoi nous souhaitons présenter l’aïkido : c’est pour partager notre passion et la faire découvrir ; l’objectif c’est donc de la promotion.

    En revanche, je serai plus radical que « postmaster » : je supprimerai carrément tout le premier paragraphe. Admettons que je ne connais pas l’aïkido. Malgré tout le respect que j’ai pour O senseï, pourquoi un néophyte serait intéressé par un inconnu qu’il a fait des choses que je ne comprends pas à l’autre bout du monde. Je suis volontairement un peu caricatural.

    Étant peu connu, il est nécessaire de présenter l’aïkido succinctement. C’est pourquoi le 2ème paragraphe me semble indispensable à l’exception près de la fin. C’est quoi « un combat qui se termine au moment où il commence » ? Ça veut dire quoi ? Attention à ces « images » véhiculées par notre discipline et qui, pour ma part, ne signifient rien.

    Autre point, qui me semble important, le discours doit se distinguer des autres arts martiaux. Je suis d’accord que l’aïkido développe les qualités physiques, techniques et morales décrite. Le Judo, le Krav Maga, … aussi. Ce qui me semble le différencier, c’est bien l’idée de préserver le partenaire et de rencontrer l’autre y compris dans le cas le plus extrême : le conflit physique. C’est vrai que cela peut paraître utopique, pas réaliste, peu importe le terme. Mais c’est pourtant, ce qui devrait nous motiver. Et ce n’est pas parce que nous n’y arrivons pas systématiquement car nous ne sommes que des humains avec nos humeurs, nos peurs, … qu’il faut s’arrêter de rechercher cela.

    J’ai bien apprécié également la dernière phrase de ta présentation : l’ouverture sur une autre culture et finalement les autres…

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