L’Aïki taïkaï d’Herblay : un évènement qui commence à s’installer durablement dans le paysage martial français (il en est à sa 6e édition) et dont l’intérêt est, sans ambiguïté, la découverte d’autres pratiques. Le tout organisé conjointement avec la Nuit des arts martiaux traditionnels, dont les démonstrateurs sont les enseignants du week-end. Et comme l’an dernier, j’ai eu l’occasion de m’y rendre (mais pour la seule journée du dimanche). J’en deviendrais presque un habitué…
Exit donc la journée du samedi, et ses pratiques. Je regrette quelque peu de n’avoir pu goûter aux pratiques du jour, en particulier le Gembukan tode ryû et le Hsing-i. Non pas que les autres aient été inintéressantes (loin de là, Léo Tamaki ayant l’expérience de la programmation de qualité), mais des choix sont toujours à faire, et peuvent parfois laisser quelques regrets. Et passons sur la journée de dimanche, avec un programme bien fourni. J’avais, pour ma part, choisi deux axes : jûjutsu japonais et Hino budô. Ce qui se traduisait par : kokodô jûjutsu et takumakaï daîtô ryû aïkijûjutsu et… Hino budô. Je trouverai donc une autre occasion pour la pratique des autres disciplines martiales proposées ce jour (goshinkaï jûjutsu, sunmudo et systema).
Premier cours : kokodô jûjutsu. J’arrive en terrain déjà relativement connu, ayant eu plusieurs occasions de pratiquer la discipline, sous la direction du soke Yasuhiro Irie l’an dernier, et d’Eric Anfrui, professeur du jour, à plusieurs reprises. Toujours avec intérêt, ayant l’impression que le kokodô contribue à enrichir ma pratique personnelle. En plus, sur un plan personnel, j’apprécie Eric et ses élèves, toujours prêts à se mettre à la disposition des élèves du moment pour leur faire sentir la technique. Eric avait visiblement choisi de faire un cours découverte, avec un panel large (et bien sûr non exhaustif) dans une salle sans tatami (au temps pour les chutes). Après un travail sur le dégagement de la main (nukite shodan), Eric enchaîne sur yoko katate osae dori shodan (donc à genoux- debout), technique qui ressemble à hammi handachi katate dori shiho nage ura en aïkidô, en insistant sur le maintien permanent du contact jusqu’à la conclusion. Enchaînement sur ude osae dori shodan, maintien d’une main saisissant le bras pour destructurer l’attaquant et l’amener au sol, avec un metsubushi (mouvement de la main vers les yeux) au départ, et un maintien prolongé du contact bras saisi-avant bras saisissant. Nouvelle technique : mune osae dori sandan, ou comment transformer une saisie du revers en torsion du bras entier (façon sankyô, pour les aikidokas, ou kote hineri pour d’autres). Assez compliqué (pour moi) de maintenir un contrôle permanent. Enfin, conclusion par tsukimi dori sandan, consistant en l’application des fameux gakkun de la lignée hakkô ryû, c’est-à-dire effectuer une pression douloureuse sur un point sensible. Redoutable. Fin du cours… Salut et départ précipité pour le deuxième cours (petit retard).
Deuxième et troisième cours : Hino budô. Première fois que je puis « tester » la discipline, qui plus est sous la direction de maître Akira Hino lui-même. Arrivé avec un léger retard, le premier exercice ayant déjà commencé, je dois dire que je me suis tout de suite senti… perdu. Et j’ai gardé cette impression tout au long des deux cours. Non pas que maître Hino soit distant, puisqu’il n’hésitait pas à passer et repasser dans les rangs, toujours souriant, pour chaque exercice, montrant et faisant ressentir (le terme n’est peut-être pas très juste) dès que possible, avec l’aide de ses assistants. Non pas qu’il soit inefficace, puisque justement, je pense qu’un nombre non négligeable de pratiquants a pu expérimenter que les résultats sont là. Non, en fait, le degré de subtilité dans le contact, de « présence » et d’acuité au touché requises étaient sans (aucun) doute au-delà de ma capacité à simplement imiter ce que je pouvais voir ou ressentir. Donc, premier exercice : ressenti, en position au sol, à deux. Pour ce que j’en ai compris, l’idée est d’assurer un contact « plein » en collant la base des doigts sur l’avant-bras de l’autre. Et de ressentir un début de déplacement pour « prendre son mouvement ». Enfin, c’est plus complexe que ça, ça fait intervenir le souffle et le plexus, mais mettre des mots sur une sensation, c’est parfois difficile. Passage debout, avec l’idée d’amener le bras du partenaire au sol, toujours avec un contact léger mais « plein », en se focalisant surtout sur le ressenti. Après, je mélange un peu les exercices pré-et post-pause méridienne. Nous avons donc fait la même chose sur un tsuki (courte distance), sur les épaules (les deux prises de face) et sur la tête, une main appuyée sur la mâchoire. Toujours dans un but de déséquilibre, toujours sans donner d’information sur cette intention. La fin de la double session fut marquée par deux exercices similaires, l’un sur une tentative de projection, l’autre sur une main saisie, tout en marchant. J’ai quand même eu l’impression qu’il n’y avait pas que moi qui avait du mal… Les deux sessions se sont terminées par des questions à maître Hino, qui y a gentiment répondu. J’en profite pour remercier Léo pour ses offices de traducteur français-japonais (et inversement).
Quatrième cours : takumakaï daïtô ryû aïkijûjutsu. Le cours, dispensé ce jour par Jean-Antoine Gonzalez, était celui auquel, finalement, j’avais le plus envie d’assister. Surtout parce que cette école représente sans doute, comme je l’ai souvent lu, le chaînon entre le daïtô ryû de Sokaku Takeda et l’aïkidô de Morihei Ueshiba. Assisté de trois élèves, Jean-Antoine Gonzalez nous a fait rentrer dans le vif du sujet assez vite. Deux premiers éducatifs ont été consacrés au dégagement d’une main saisie, d’abord de face, puis par un pivot extérieur. De retour de face, sur une saisie identique, le dégagement cède la place à une prise de contact amenant un déséquilibre de l’agresseur. Le tout éminemment logique, mais peu dépaysant si on avait suivi la séance kokodô du matin. Le quatrième éducatif se démarquait : il s’agissait de montrer que la réaction de uke, présentant un bras tendu (fin de course de tsuki), est influencée par un déplacement préliminaire de tori. On n’y croit pas quand on ne connait pas, on se dit que ça peut marcher quand on a déjà vu des choses y ressemblant, on est convaincu quand, une fois l’exercice testé, on ne peut tenir son tsuki quand tori laisse littéralement tomber son bras dessus.
Jean-Antoine Gonzalez passe aux techniques (de base) proprement dites, qu’il contextualise comme partie du groupe ikkajo (si je me rappelle bien). La première, debout (tachi aï) s’appelle Kuruma daoshi. Sur attaque yokomen uchi, contrôle de l’attaquant par un blocage doigts tendus vers le visage et un atémi (non porté) au ventre. Une modification de ce dernier en prise de contact remontante jusqu’à la tête puis passage à l’épaule (avec un déplacement léger) permet d’effectuer une projection, sans effort. C’est d’ailleurs sur ce point qu’insiste Jean-Antoine Gonzalez durant son cours : les techniques sont simples, et efficaces sans besoin de forcer. Passage à une nouvelle technique, ura otoshi : cette fois ci, l’attaque sera une saisie de la manche (katate sode dori). Une action de levier (main à plat) est produite sur le coude, conjuguée à un déplacement précis derrière la ligne de pied de l’attaquant. Ces deux actions permettent de se mettre en sécurité, puis d’engager le bras non saisi dans le dos, puis de faire chuter uke. Sans effort, encore une fois. Passage au sol (idori). Nous travaillons alors une sorte de katate dori ikkyo. Pourquoi une sorte ? Parce que la saisie s’effectue sur une main posée sur le genou, et que l’amorce du déséquilibre se fait par décentrage volontaire de tori. Assez surprenant en premier abord. Mais toujours clair, efficace et sans trop d’effort. Enfin, pour terminer, nous repassons debout pour une projection suite à un étranglement : koshi guruma. On y retrouve ces placements, atémis et leviers qui conduisent logiquement et sans effort à une projection. Fin du cours, avec un peu de retard (que, personnellement, je ne regrette pas du tout). Ah j’oubliais : je crois que Jean-Antoine Gonzalez nous a présenté un volume du fameux Sôden du takumakaï, livre qui rassemble les photographies des techniques enseignées par Morihei Ueshiba et Sokaku Takeda à Hisa Takuma, fondateur de l’école.
Conclusion : toujours content de participer à des cours de kokodô jûjutsu, dans l’expectative concernant le Hino budô, très content d’avoir enfin pu découvrir la pratique du daïtô ryû. Trois raisons de retourner voir les enseignants dès que possible ! Je souhaitais (encore une fois) remercier Léo Tamaki et son équipe pour l’organisation de cette manifestation. Déjà parce qu’elle permet la découverte d’horizons différents avec de vrais passionnés, ensuite parce que coordonner tout ça avec deux autres manifestations ne doit pas être d’une simplicité enfantine.
Si vous voulez pratiquer le Kokodô jûjutsu (en France), rendez-vous au Himei Dojo. Pour pratiquer le Hino budô, se renseigner via le blog de Léo Tamaki, à l’occasion d’une des tournées de maître Hino en Europe. Pour pratiquer le takumakaï daïtô ryû aïkijûjutsu, il existe un groupe d’étude en région parisienne placé sous la direction du dôjô Fudoshin (Finlande).